Saft : pionnier des batteries en France
Impliqué dès 1907 dans l’industrie des batteries, disciple d’Edison, Victor Herold a créé la première industrie de batteries alcalines française à l’orée du vingtième siècle.
L’histoire des origines de Saft comporte de multiples difficultés et revers. Mais ni la guerre, ni le refus d’un brevet, n’ont empêché son fondateur, Victor Herold, de créer la première société produisant des batteries alcalines en France. Une aventure industrielle qui se poursuit aujourd’hui.
C’est à Alessandro Volta que l’on doit, en 1800, l’invention de la pile non rechargeable. Le physicien italien s’était rendu compte qu’on pouvait créer un flux continu d’énergie électrique en utilisant des fluides conducteurs pour susciter une réaction chimique entre deux métaux. Sans cesse améliorées, les batteries sont devenues une source d’énergie indispensable à la fin du 19e siècle, notamment pour le fonctionnement du télégraphe.
Mais les recherches ont continué tout au long du siècle, afin de les rendre plus efficaces, plus durables et plus légères. En 1901, sont apparues les premières batteries alcalines rechargeables, plus efficaces en termes de stockage d’énergie et plus faciles à conserver que leurs prédécesseures au plomb. Comme beaucoup d’inventions de cette époque, la batterie alcaline a été « trouvée » par deux inventeurs pratiquement au même moment : le 21 janvier 1901, un ingénieur suédois, Waldmar Jungner, dépose une demande de brevet, suivi le 6 février de la même année par un Américain, Thomas Edison, pour un accumulateur similaire. Force est de constater que l’inventeur américain fournit des détails plus précis et complets que le Suédois.
Lorsque Thomas Edison commence à vendre ses batteries en 1902, Waldmar Jungner lui intente un procès en contrefaçon. La bataille juridique, menée devant les tribunaux allemands, dure jusqu’en 1907, et finalement Waldmar Jungner est débouté : il n’avait jamais finalisé le développement de sa batterie à l’oxyde de fer, préférant miser sur une autre de ses inventions, la batterie nickel-cadmium. Thomas Edison, de son côté, a déjà équipé des milliers de camions et camionnettes de ses batteries nickel-fer aux Etats-Unis.
Ce succès attire l’attention d’un industriel allemand ami d'Edison, Sigmund Bergmann, qui sollicite une licence de fabrication et de vente pour l’Allemagne et l'Autriche-Hongrie. Il crée alors la DEAC en 1904.
C’est à la DEAC qu’entre Victor Herold en 1907. Né à Paris en 1883 de parents suisses, le jeune homme a étudié la chimie à l’école polytechnique de Zurich de 1901 à 1905. Dès son entrée à la DEAC, il part à West Orange, le centre de recherche et développement d’Edison General Electric dans le New Jersey, afin d’y apprendre les procédés de fabrication des matières actives.
Victor Herold se lance en France
Mais la DEAC ne parvient pas à percer en Allemagne. Concurrencée par les batteries au plomb, moins durables mais moins coûteuses, la société est finalement cédée à un concurrent spécialisé dans la batterie plomb, l’AFA. Cette cession était synonyme d’abandon de la production. Victor Herold tente bien de racheter l’entreprise, mais son offre est repoussée.
Victor Herold décide alors de créer son usine de batteries en France. Il a les fonds nécessaires, grâce notamment à sa famille, et une équipe qualifiée en place, puisqu’une partie du personnel de la DEAC - l’ingénieur en chef, le chef dessinateur et le contremaitre de l’outillage - est prête à le suivre. C'est ainsi qu'en mai 1913 nait à Paris la Société Industrielle des Accumulateurs Alcalins (S.I.A.A.).
Malheureusement, échaudé par l’échec de la DEAC, Thomas Edison refuse de céder la licence de ses batteries alcalines à plaques tubulaires à Victor Herold. Celui-ci décide alors de se spécialiser dans des batteries alcalines au design de plaques plus traditionnelles. En attendant que soit construite l’usine de Romainville, près de Paris, l’équipe s’installe dans un atelier, rue Servan à Paris, afin de préparer la mise au point de l’outillage et des machines.
En mai 1914, l’usine est prête. En août, la première guerre mondiale éclate. Les collaborateurs allemands de la S.I.A.A. doivent alors quitter la France, et l’usine est réquisitionnée par l’Armée française avant même que la production ne commence.
Le premier client de Saft
La très brève histoire de la S.I.A.A. s’arrête donc avant d’avoir commencé. Mais l’aventure industrielle de Victor Herold, elle, continue et connait un tournant en 1917. Confrontés au manque de carburant après trois ans de guerre, les pouvoirs publics voient dans les véhicules électriques de l'armée américaine, fournis par Edison, une solution à leur problème.
Le ministère de l’Armement demande à Louis Renault, fondateur du constructeur automobile, de concevoir une batterie rechargeable. Celui-ci se tourne vers Victor Herold au printemps 1918. Le 22 novembre 1918, la Société des Accumulateurs Fixes et de Traction (S.A.F.T.) est créée. Elle est dotée d’un capital d’un million de francs, apporté par les industries automobiles et électriques françaises.
La première production de Saft, une commande de 25 batteries devant alimenter les chariots électriques à bagages de la Gare de Lyon, fut livrée fin 1919. La gare parisienne était alors le siège de la Compagnie ferroviaire P.L.M. (Paris-Lyon-Méditerranée), l'une des six compagnies de chemins de fer qui formèrent plus tard la SNCF.
Les batteries Saft, plus performantes que celles au plomb qu'elles finiront par dépasser, furent aussi utilisées pour assurer aux passages l'éclairage des trains. En 1921, un train de banlieue éclairé au gaz prit feu dans le tunnel des Batignolles, à Paris, entraînant la mort de dizaine de personnes, catastrophe qui contribua à rendre l'éclairage électrique obligatoire de tous les trains trois ans plus tard.
Premier client historique de Saft, le ferroviaire demeure un important secteur de croissance pour l'entreprise 100 ans plus tard.
Thomas Edison