Saft, une société mondialisée
Une société dont les produits sont présents aussi bien dans l’espace qu’en Alaska ne peut qu’être internationale. C’est le cas de Saft, présente dans 18 pays. L’histoire de sa mondialisation est une affaire d’opportunités et de stratégie mêlées.
Dès ses origines, la société Saft s’est développée à l’export. La fourniture d’une commande à la compagnie espagnole Madrid-Saragosse-Alicante, dans les années 20, attire en effet l’attention de la Stone Company de Londres, qui était alors le plus important fournisseur au monde d’équipements ferroviaires. Saft passe alors un accord avec Stone, qui lui réserve l’intégralité des commandes de batteries alcalines à l’international, à l’exception de la France. Saft accédait ainsi, très peu de temps après sa création, à un réseau de vente mondial. Selon Victor Herold, fondateur de Saft, la société a livré 30 % de sa production à Stone chaque année jusqu’en 1939. Ces batteries sont alors utilisées aussi bien en Espagne qu’en Afrique du Sud, en Inde, ainsi que dans d’autres pays qui faisaient alors partie de l’Empire britannique.
C’est en 1949 que Saft crée sa première filiale à l’étranger : Safta, en Belgique, suivie de Saft UK en 1966. Entre temps, en 1954, la société tente de prendre pied aux États-Unis pour fournir des batteries à l’armée de l’air américaine. Une tentative infructueuse, en raison du manque de qualification de l’associé américain de Saft. La société créée pour l’occasion dut fermer en 1957.
Un plan stratégique
Une seconde tentative aboutit à la création de Saft America en 1974. Cette filiale était le fruit de la prise de contrôle de Gulton Industries. La production est alors transférée du New Jersey à Valdosta.
Mais la véritable impulsion pour internationaliser la société intervient avec Georges-Christian Chazot, arrivé chez Saft en 1976, et promu directeur général en 1981. Sa première préoccupation est de parfaire le démarrage de l’usine américaine de Valdosta.
Puis, au début des années 80, Georges-Christian Chazot et l’équipe de direction se livrent à une analyse stratégique avec le Stanford Planning Institute en vue de déployer Saft à l’international. Trois pôles sont alors retenus : Amérique du Nord, Asie orientale et Europe occidentale. S’ouvre ensuite une période de développement intense. Il ne faut pas oublier que Saft, alors filiale de la CGE (Compagnie Générale d’Électricité), a été soutenue par sa maison mère, qui souhaitait avoir un leader international dans ce secteur.
Mais bien sûr, le plan stratégique a aussi croisé différentes opportunités de rachat, ou la nécessité de servir des clients. Pour obtenir certains marchés de la défense, par exemple, il fallait être une entreprise nationale à part entière, d’où l’intérêt de la création de filiales. L’histoire de Saft à l’international est un mélange de ces ingrédients.
En 1982, Philippe Boulais, directeur export, suggère de profiter des opportunités offertes par Singapour, qui cherche à s’industrialiser, pour s’y implanter. Ce sera donc lui qui ouvrira une implantation dans la Ville-État. « A l’époque, Singapour offrait des salaires bas et accordait aux investisseurs « pionniers » une exemption d’impôt de cinq ans », se souvient Philippe Boulais. « En outre, le fait de produire à Singapour permettait de servir certains pays de la région sans droits de douane. Par exemple, l’Australie, qui taxait les importations plus lointaines à 30 % », explique-t-il. La filiale de Singapour a eu jusqu’à une centaine de salariés qui assemblaient des éléments fournis par Saft. Puis, le développement de Singapour aidant, les salaires y ont fortement augmenté, et la filiale a fermé.
Développement en Asie
En 1986, Saft vise le Japon. Saft avait des relations anciennes avec Fuji pour les piles et Japan Storage Battery pour les accumulateurs. Mais c’est avec Japan Storage Battery que fut créé en partenariat, seule manière d’entrer sur le marché, la société GS-Saft pour développer, produire et vendre des accumulateurs au nickel étanches.
C’est l’époque du fameux « Walkman » de Sony. Pour l’équiper, GS-Saft a développé le GP, une petite merveille de technologie, appelées « éléments chewing-gum » à cause de leur forme. Après le « Walkman » arrivèrent très vite les premiers téléphones portables, et la demande en batteries GP bondit de façon spectaculaire. Outre GS-Saft, les batteries GP furent alors assemblées à Tijuana (Mexique) pour fournir Motorola et Nokia, et à Séoul (Corée du Sud) pour Samsung. En 1997, à l’occasion d’une augmentation de capital, Mitsubishi Electric prend une part importante de GS-Saft. Saft, devenue minoritaire, cèdera finalement ses parts à Sanyo en 2002. L’aventure japonaise a cependant repris en 2016 avec la création de Saft Japan.
En 1988, Saft s’implante en Australie, puis en Chine. Une filiale à Hong Kong, Saft China, gère une usine à Shekou, dans la zone économique de Shenzhen. Un choix stratégique pour Saft, qui suit ainsi ses clients, les grands fabricants de matériel électronique. Ceux-ci, à la recherche de main d’œuvre bon marché, ont quitté le Japon et les « dragons » (Corée, Singapour, Taiwan, Hong-Kong) pour la Chine, qui vient d’aménager ses premières « zones économiques spéciales ». Saft a ainsi accompagné le marché asiatique des accumulateurs portables, qui représentait à l’époque 40 % du marché mondial avec un taux de croissance de 20 % par an, supérieur à ceux de l’Europe et des États-Unis.
Saft est aujourd’hui implantée à Zhuhai, en Chine, où elle s’est installée en 2006 pour accompagner la croissance du pays. Du reste, la société a doublé les capacités de cette usine en 2016. En 2006 également, Saft a pris le contrôle d’Amco Power Systems Ltd en Inde, à Bangalore.
Une implantation globale
Malgré cette activité intense en Asie, les autres pôles de développement, l’Europe et l’Amérique, ne sont pas délaissés. Durant les années 70 et 80, Saft a complété son réseau européen : après l’Allemagne en 1969 et l’Espagne en 1972 (en créant avec Cegasa une co-entreprise du nom de Saft Iberica), une filiale voit le jour en Italie en 1984, avant la Scandinavie en 1985 et la Finlande en 1989. En août 1984, pour la première fois, plus d’un salarié sur deux de Saft travaille pour l’export.
En février 1991, l’acquisition de la société suédoise NIFE, riche de 22 filiales à l’étranger contre 15 pour Saft, aboutit à la constitution d’un dense réseau international. La fusion est l’occasion de réorganiser les filiales à l’étranger en quatre pôles (Europe, Amérique du nord, Amérique du sud, Asie-Pacifique).
Les filiales européennes de Saft et NIFE sont fusionnées en Suède, au Royaume- Uni, en Belgique et en Italie. Nouvelle étape de développement en 1995, lorsque Saft reprend Ferak en République tchèque, faisant ainsi son entrée en Europe centrale.
En 2001, Saft reprend la société israélienne Tadiran, spécialisée dans les piles au lithium-chlorure de thionyle (Li-SOCl2) et active en Allemagne, aux Etats-Unis et en Israël. En 2003, nouvelle vague d’acquisition avec Emisa en Espagne, Friwo en Allemagne et Centra en Pologne complétant ainsi l’implantation en Europe de l’est.
Aux Etats-Unis encore, Saft America acquiert les piles thermiques Score en 1978, les accumulateurs portables Gould en 1983 puis l’usine de piles Li-SOCl2 de Duracell. Les acquisitions ne s’arrêtent pas là : en 1993, Saft America reprend Gates Aerospace Batteries. En 2001, il rachète Hawker Eternacell, ce qui lui permet de se renforcer dans la technologie Li-SOCl2. Peu à peu, le réseau est complété : Saft ouvre un bureau commercial à Moscou en octobre 2013.
Au total, Saft est présente dans 18 pays avec 14 sites de production et 30 bureaux commerciaux. Une société réellement globale et proche de ses clients.